IRENE EYMA JEAN-GILLES

Pour Irène Eyma La Bouboute que je connaissais La mort a des rigueurs à nulle autre pareille, écrivait Malherbe. On a beau la prier, la cruelle, se bouche les oreilles et nous laisse crier. Près de 500 ans après Malherbe, 2 000 ans après Jésus Christ; de tout temps la bête immonde à toujours terrorisé l’homme; elle frappe fort et dru que ça devient banal, tant que la victime ne soit pas un proche. Elle nous attend au détour de nos vies, sournoise et par moments avec fracas, continue inlassablement sa besogne, en infligeant une douleur innommable aux humains et laissant dans l’affliction, parents, proches et amis. En ce dimanche du 28 aout 2022, comme elle le fait depuis toujours, elle nous a frappés de plein fouet; elle a laissé choir sa grande faucheuse sur Irène Eyma Jean- Gilles, notre tante par alliance, notre Bouboute. Bouboute est partie sans saluer, ce qui était contraire à ses habitudes; sentant quelque inconfort, comme les gens de plus de 60 ans savent les ressentir, une de banalité de la vie, elle a appelé elle- même l’ambulance qui la conduisait à l’urgence. Après avoir été examinée par ses médecins, elle appelait son mari pour le rassurer que tout allait bien et qu’elle pourrait rester 2 ou 3 jours avant de retrouver son foyer. Bouboute ne rentrera pas à la maison; elle ne rentrera plus. Bouboute est partie trop tôt alors qu’à 66 ans, il lui restait encore le tiers de sa vie devant elle. Mon propos ce soir porte sur la Bouboute que j’ai connue, cette femme qui me recevait avec la chaleur de sa personnalité et sa grande générosité. Bouboute était une boule d’énergie qui irradiait tout autour d’elle; infatigable, toujours en mouvement, jamais connu de repos; tout le temps en train de bouger; à peine était-elle rentrée du travail qu’elle se défaisait de ses vêtements et se précipitait à la cuisine pour préparer le repas du soir; un exercice qu’elle accomplira comme un sacerdoce jusqu’à son trépas. Le weekend, c’était la lessive, l’entretien de la maison, une sorte de perpétuel recommencement. D’où puisait-elle toute cette énergie? Bouboute m’avait pris en affection le premier jour qu’elle m’avait vu; elle savait que j’étais plus que le neveu de son mari, plus que son filleul, j’étais comme le fils ainé de mon oncle et qu’elle partageait avec lui la même bonté envers moi. Elle avait sa personnalité propre, pouvant passer de son rire adolescent à une attitude plus réservée, le visage un peu fermé, comme si elle méditait sur son enfance et les conséquences de son arrachement à sa terre natale, alors qu’elle était dans sa tendre adolescence. En effet, Irène Eyma prit naissance au Cap-Haitien en 1956; d’un père d’origine capoise, Rodrigue Eyma, dont le grand-père, d’origine française aurait participé aux travaux de restauration de la cathédrale dans les années 1870 ; sa mère était originaire de Fort-Liberté. Elle quitta très tôt son pays pour les États-Unis, où elle fit la connaissance de celui qui deviendra son mari, Claude Jean-Gilles, instituteur dans ses premières années à Jean-Rabel et organiste au sein du groupe Cosmorama, dont il fut un des membres fondateurs, aux côtés des frères Philoclès et Ulrick Faustin. Ils se sont mariés en 1974 et Kearney le premier enfant naitra à New-York, en 1975 ; le couple ne tardera pas à donner à KéKÉ une petite sœur, Marjorie, une enfant qui avait besoin plus que de l’affection de ses parents, plus que de l’attention, mais une implication totalement dévouée à son service, en raison de ses difficultés cognitives. Le couple s’abandonnera à sa fille, faisant tout pour tenter de lui rendre un peu de bonheur. Marjo est partie pour l’au-delà en 2013, à l’âge de 34 ans, laissant pour nous tous un vide qui ne sera jamais comblé. Pour sa part, Kéké, après un bref passage dans les forces armées intégrera la fonction publique fédérale dans l’État de Floride. Bouboute est partie après 48 ans de mariage. Sa vie comme pour toute œuvre humaine était faite de haut et de bas; de très belles choses et de choses pas très agréables. Est-il homme ou femme qui puisse s’enorgueillir de traverser sa vie indemne de toute entrave? Ta vie, chère Bouboute, fut un combat quotidien à la recherche d’un certain équilibre entre les forces qui s’entrechoquaient en toi. La grande faucheuse t’a surprise au milieu de ce combat pour la vie, pour ta vie ainsi que celle de ton unique garçon, Kearney, de ton cher époux, mon oncle Claude. Tu n’auras pas vécu en vain, tu l’auras menée avec courage et un grand souci des tiens. Pars en paix. Sache que ta famille immédiate, mon oncle et Kearney, tes sœurs qui vivent en Floride, Yolette, Danielle, Dorothée, Carline et Gaby, ainsi que tes frères et sœurs qui sont en Haïti; tes belles-sœurs, Bernadette, Marie-Luce, Cécile, Élisabeth, tes nombreux neveux et nièces par alliance, garderont de toi pour toujours un souvenir impérissable. Gesler Jean-Gilles

IRENE EYMA JEAN-GILLES

May 7, 1956 - August 28, 2022

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